N°80 : MORCENX CAPITALE LANDAISE DE LA PAILLEUSE
- La Nouvelle Morcenx
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Les salles de la pailleuse sont situées près de l’ancienne piscine et sont bien connues du monde associatif mais qui connait l’histoire de ce lieu jadis dévolu à une industrie singulière, en lien avec le monde viticole ?
La pailleuse est une machine conçue pour répandre de la paille dans des zones d’élevage. Mais cela désigne aussi et surtout à Morcenx une fabrique de paillons. On employait aussi le terme de paillère entre 1870 et 1950. Ces paillons sont des enveloppes en paille de seigle pliées et cousues en forme de cône, faites pour protéger pendant leur transport les bouteilles de vins de Bordeaux, de Cognac, d’Armagnac et même de Champagne. L’inventeur de ce procédé serait Sébastien Dargelos, habitant d’Ygos qui créée une entreprise familiale. Transformé car très résistant, on pouvait utiliser le seigle pour fabriquer des paillassons, empaillage de chaises, remplissage de la paillasse des lits, couvrir les chaumières, fabriquer du papier ou encore servir de litière aux vaches et brebis. Jusqu’au milieu du 20ième siècle, la culture du seigle est très répandue dans les Landes (6ième département d’exploitation en France par sa superficie) car il s’agit d’une plante rustique qui pousse sur des sols pauvres et sablonneux.
Les historiens précisent qu’en 1927, 57 ateliers étaient installés dans les Landes (produisant de 55 à 60 millions d’enveloppes de bouteille au total) dont le centre le plus important se situait à Morcenx avec 5 fabriques et 105 ouvriers employés sur le millier de landais recrutés pour effectuer ce travail (dont une majorité de femmes). Deux ateliers se situaient à Morcenx-Bourg (Labadie, Robineau), trois à la Gare (Sourgens, Gachet et Labadie, un cousin de l’autre, la Pailleuse d’aujourd’hui). La production n’étant pas mécanisée, les ateliers sont disséminés dans le monde rural et la technique de fabrication restera identique ainsi que la composition sociale des ouvrières : les couturières, les lieuses et les fermeuses. Dans un article publié en 2023 par l’Université catholique de Louvain, Emmanuel Plat précise : « La couturière utilise un crochet muni d’une aiguille spéciale avec un bec pour solidariser les brins de paille. On coupe des brins en fonction de la dimension souhaitée suivant qu’il s’agit de litres ou de flacons divers. Les lieuses viennent ensuite fermer le haut du paillon à la main. Enfin, les fermeuses rassemblent les paillons par bottes de cent qu’elles attachent avec du fil de fer ; elles empilent ensuite ces paquets tête-bêche et ficellent le tout pour faciliter l’expédition ». Ces ateliers dont le procédé de fabrication ne requiert pas une technicité exceptionnelle se multiplient et renforcent l’individualisme patronal. Toutefois, l’installation de nouveaux ateliers peut être compliquée face à la concurrence comme à Morcenx en 1886 ou des pétitionnaires réclament l’éloignement d’un atelier nouvellement monté dans le centre du bourg, près de la gare.
En 2013, un article publié dans Sud-Ouest expliquait : « Le travail était dur : les femmes travaillaient jusqu’à 12 heures par jour, elles étaient (très mal) payées à la pièce (une « bonne » ouvrière pouvait en faire 7 à 800 par jour, une débutante entre 200 et 300), les conditions déplorables : beaucoup de poussière, pas de feu l’hiver par crainte des incendies. À Morcenx-Bourg, Rose Crayon se souvient de la Pailleuse Jean-Baptiste Robineau … où avaient travaillé quelques années Marie-Louise Dupin, sa grand-mère, et Berthe, sa mère. « Tous les jours après l’école et le jeudi, jour de congé, on allait y aider nos mères. Je me rappelle, on nouait les paillons. C’était avant la guerre, vers 1937-1938 ». En 1950, à la fin de cette industrie, Rose deviendra couturière. C’était donc un travail de femmes et d’enfants avant tout ! Pour améliorer leurs conditions de travail, les ouvrières se syndicalisent, font grève… mais à partir des années 1930, l’activité devient de moins en moins rentable, la matière première diminue en quantité et qualité, la compétition des pays étrangers est rude… Le carton puis le plastique supplanteront définitivement l’activité au début des années 1960.




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