N°70 : LA MAIADE, UNE ORGANISATION PROTOCOLAIRE
- La Nouvelle Morcenx
- 17 août
- 3 min de lecture

Ce dimanche, Arnaud nous parle d’une tradition locale qui lui tient particulièrement à coeur : la maïade.
Pendant plus d’une heure il nous dévoile les coulisses de ce moment si particulier qui intervient une fois l’an dans la nuit du 30 avril au 1er mai. Il pourrait tout autant évoquer ses souvenirs d’enfance autour du gemmage, de la chasse à l’alouette (désormais prohibée) ou encore celle à la palombe, du folklore autour des échasses, du tue-cochon ou encore des parties de rampeaux… nombre de traditions qui traduisent une culture landaise riche en événements divers.
Pour Arnaud, qui porte fier son identité landaise, la maïade est un moment de convivialité que l’on prépare longtemps à l’avance et qui répond à des règles précises : « il faut d’abord trouver un pin maritime d’environ 10 ans d’âge, et donc de 10 mètres de hauteur. Il faut qu’il soit le plus droit possible, en bonne santé avec une cime bien touffue mais pas trop. On le coupe, puis on le pèle avec un palot. Ecorcé, l’arbre est positionné sur des tréteaux pendant une semaine afin que sa résine sèche. Toute l’opération doit se faire dans le plus grand secret pour que la surprise soit totale à celui ou celle qui sera la victime du complot amical ! Pendant quelques jours, les commanditaires préparent environ 240 fleurs en papier crépon de multiples couleurs qui viendront décorer le tronc. La veille de la maïade, les hommes vont chercher le lierre de chêne ( à l'origine la tresse se faisait avec du buis) qui sera tressé sur une corde-support puis positionné autour de l’arbre avec les fleurs. Généralement notre groupe est constitué d’une quinzaine d’amis et la préparation peut durer jusqu’à trois semaines d’autant que certains mais sont construits autour d’une thématique (par exemple pour un passionné de foot). On prépare aussi un grand coeur avec la mention « honneur à … » comprenant deux drapeaux français. Une équipe prépare aussi les trois couronnes de diamètres différents avec des jantes de vélos. Elles sont également tressées de lierre et décorées de fleurs. L’arbre doit être festif et le plus remarquable possible et avec également un grand drapeau bleu blanc rouge à sa cime. la journée du 30 avril ( généralement en fin de journée) , l’arbre est décoré, chargé sur une remorque ou porté à la main jusqu’à sa destination finale. On essaie d’éloigner la victime le plus loin possible de chez elle pour opérer en toute tranquillité. Nous sommes les as du filoutage ! Sur place, après repérage, on s’affaire à réaliser un trou à la bêche (environ 30cm de large pour 1m de profondeur, avec une légère pente pour faciliter l’érection du pin). Les plus petits devant, les plus grands à l’arrière, nous employons une fourche de 4 mètres et tirons le mât afin qu’il soit bien droit. On rebouche le trou, on tasse la terre et on installe le coeur à hauteur d’homme. On installe un pot de résine soutenu par un crampon (clin d’oeil au gemmage), rempli de sable, d’un muguet (porte bonheur) et d’un parchemin qui liste le nom des participants à la maïade. Lorsque nous avons un poète dans l’équipe, un joli texte accompagne le parchemin.
ll peut arriver que, malgré notre discrétion, la victime nous attrape sur le vif. Dans ce cas, on improvise un apéro (qui est toujours prêt) et une omelette (car généralement nous avons des oeufs dans le réfrigérateur) à déguster tous ensemble. Dans le cas contraire, c’est à lui d’organiser un repas.
L’arbre doit rester installé durant tout le mois de mai. Si l’arbre tombe, c’est aux amis de payer le repas !
Fin mai, début juin, l’arbre est abattu volontairement au passe-partout (vieille scie). Une fois l'arbre à terre, chaque couple participant coupe une buche en souvenir qui sera un porte bonheur durant toute l’année. Une tronçonneuse est toujours à proximité au cas où…
Le repas est bien entendu conçu autour de produits landais.
Cette manifestation collective tend à disparaître car elle nécessite d’une part une organisation importante autour d’un protocole strict si l’on veut rester fidèle à la tradition et d’autre part elle est physique et chronophage. En 2009, lors de la tempête Klaus une "trêve" à été faite et nous avons remplacé le pin par des bambous, même si un arbre à terre pouvait être prélevé pour lui rendre hommage en le décorant plutôt que l'envoyer directement en papeterie.
On essaie chaque année de produire quelques mais pour faire perdurer la tradition. Les bénéficiaires ou victimes de ce cadeau envahissant deviennent, s’ils ne l’étaient pas déjà, des adeptes de ce moment unique de convivialité, d’échange intergénérationnel, qui rend hommage au parcours d’une personne et qui devient souvenir d’une vie ».




Commentaires