N°69 : LA MAÏADE, AUX ORIGINES DE LA TRADITION
- La Nouvelle Morcenx
- 14 août
- 3 min de lecture

En bordure de voirie morcenaise on peut observer encore chaque année quelques jeunes pins décorés qui attirent indubitablement l’oeil du promeneur. Il s’agit d’une tradition typiquement landaise qui trouve ses origines au Moyen-âge. Nous allons vous la raconter. La semaine prochaine Arnaud vous dévoilera les détails de l’organisation matérielle de la maïade (ou mayade). S’il est important de parler de cette tradition c’est que cette pratique est désormais inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France.
Au commencement, au XIIIième siècle, il était de coutume que les paysans plantent un arbre appelé le mai (le 1er mai) devant la demeure de leur seigneur. Cette pratique s’est propagée mais l’épicentre serait, d’après les historiens, à Tartas et sa proche région. Au fil du temps, l’arbre de mai change de forme, avec de nombreuses variantes. On en parle notamment durant la Révolution française avec les arbres de la Liberté qui permettent d’honorer des élus. Aujourd’hui de nombreuses occasions s’offrent aux créateurs pour ériger un pin et honorer un voisin ou un ami : un anniversaire, une naissance, un mariage, une installation récente, la retraite…en fait tous les rites de passage. La tradition de la mayade constitue un moment de vraie convivialité qui permet de renforcer les liens sociaux : en toute discrétion, un groupe d’individus fabrique un mai décoré, l’installe près de la porte d’entrée du domicile du destinataire dans la nuit du 30 avril… s’ensuit un repas partagé avec tous les protagonistes. Sur le tronc orné de rubans multicolores, on ajoute une pancarte mentionnant « Honneur à… », des couronnes et même des objets évoquant la personnalité célébrée. L’an passé les morcenais qui se sont rendus à Hégenheim en Alsace dans le cadre du jumelage entre les deux villes ont emmené un mai en l’honneur de leurs hôtes.
Une forme institutionnelle de la mayade consiste à confier aux jeunes du village l’organisation de la fête. Elle est organisée par des mayés (du gascon maièr). Ils ont 18-19 ans et peuvent être aidés par les sur-mayés (qui ont un an de plus) et les sous-mayés (un an de moins). Ils se retrouvent pour préparer la fête avec notamment un bal. L’arbre est alors planté chez un parrain, chez le Maire ou encore au centre du village. Pour des raisons logistiques et financières, il est courant que les comités des fêtes composés d’adultes aident les jeunes.
Pourquoi avoir choisi précisément la date du 1er mai ? Il s’agit d’une date « ambivalente ». La nuit entre le 30 avril et le 1er mai symbolise un passage périlleux entre la morte-saison et le renouveau, entre les forces de la mort et celles de la vie… De nombreux interdits correspondant à cette étape : attention aux gelées et pluies pour les travaux agricoles, interdiction de faire la lessive ou encore de se marier. Des prescriptions ont également court : se rouler dans la rosée du 1er mai, capter des vertus nouvelles en buvant l’eau d’une fontaine nettoyée à l’aube, boire le lait de la première traite… A cette date se pratique donc une fête qui constitue aussi un rite initiatique. Les maïades peuvent aussi être l’occasion d’un échange vif entre groupes de jeunes qui veulent démontrer leur supériorité allant jusqu’au vol ou la détérioration des jeunes pins érigés. La coutume veut que le pin soit gardé le premier soir pour éviter un déshonneur à la communauté à l’initiative de l’installation du mai.
La cérémonie du mai s’inscrit dans le pur respect de la tradition landaise. Elle est très codifiée et ritualisée. En janvier, on se rassemble pour constituer l’équipe, on sélectionne un parrain ou une marraine à mettre à l’honneur. En février, on peut lancer une quête pour financer la mayade auprès des commerçants ou particuliers. En mars, on sélectionne le pin dans la forêt. Courant avril on prépare la décoration, et quelques jours avant la cérémonie on se réunit dans un lieu secret pour finaliser le mai. Le soir du 30 avril le mai est installé et commence alors une série de repas offerts aux « poseurs ». Quand l’arbre « meurt » ou au pire le dernier jour du mois de mai, on enlève le mai ce qui donne prétexte à une nouvelle fête ou repas collectif.
Ainsi va la vie dans nos Landes de Gascogne faite de convivialité et de respect des traditions. Le mai, à la vue de tous, fièrement érigé, illustre cette belle culture festive qu’il convient de conserver et de promouvoir.
(A suivre : LA MAIADE : UNE ORGANISATION PROTOCOLAIRE)




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