N°39 : ARJUZANX, VILLE ROYALE ET CAPITALE DU BRASSENX
- La Nouvelle Morcenx
- 29 déc. 2024
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Pour la plupart d’entre nous, évoquer l’Arjuzanx « d’avant » c’est parler de la mine et de l’usine qui ont fait les heures de gloire de la petite commune landaise, mais on oublie qu’un riche patrimoine a disparu sous l’action des pelles mécaniques. Ce patrimoine témoignait d’une histoire qui remonte aux temps les plus anciens.
Arjuzanx était probablement une ferme gallo-romaine dans les premiers siècles de notre ère. Une voie romaine, dite de la Carreyre, a été construite et pavée. D’après des recherches, des raids vikings en Aquitaine ont été à l’origine d’une possible destruction d’une église et d’un château en bois et en terre situés à Arjuzanx. Entre 1067 et 1097, les terres d’Arjuzanx sont propriétés de l’évêché de Dax.
La construction de la première église en pierre par l’évêque Bernard de Mugron remonterait aux années 1080-1090, à moins que ce ne soit au début du 12ème siècle selon l’architecture avec le mur-clocher de style roman. En 1152, l’Aquitaine devient possession anglaise, un château et une motte castrale sont reconstruits pour contrôler la route de la Carreyre. En 1241, le roi d’Angleterre Henri III décide de fonder un castelneau à Arjuzanx, et la baronnie du Brassenx. Arjuzanx devient cité royale.
A cette occasion le château et l’église sont fortifiés, ainsi que l’ensemble de la cité avec notamment l’édification de la Tour Carreyre. Arjuzanx est alors une cité prospère grâce aux exemptions fiscales. En 1243 est créée la caverie de Montolieu qui conforte la place dominante de la vigne sur le territoire. Au 14ième siècle, le roi Edouard III confie la baronnie à Bernard d’Albert avec l’assurance que ce dernier ne se range pas du côté français. La famille Albret étend son fief progressivement à partir de Labrit. La consécration sera l’accession au trône de France avec Henri IV en 1589. Août 1338 marque la destruction de la ville royale d’Arjuzanx au cours d’une bataille illustre. En effet, le roi de France Philippe VI décide de revendiquer l’Aquitaine. Une armée dirigée par Gaston II de Foix-Béarn est levée dans le Sud-Ouest pour prendre possession des forteresses anglaises. Quelques 2500 soldats (1000 fantassins, 341 hommes à cheval, 900 sergents à pieds) font route vers Arjuzanx depuis Mont-de-Marsan avec des catapultes et trébuchets. Pour défendre la cité à peine une centaine de soldats. La cité tombe. Une autre troupe de 4.000 soldats se dirige vers Tartas depuis Carcassonne. Ordre est donné par Jean d’Armagnac et Guillaume de La Baume (commandant de Philippe VI) de détruire toute la cité royale d’Arjuzanx. Seule la Tour de la Carreyre est épargnée. La population remonte vers l’église pour reconstruire son village. Tout le Brassens sera à nouveau sous autorité anglaise jusqu’en 1453. Il entrera dans le domaine royal français en 1607. Arjuzanx deviendra une commune en 1795.
Revenons quelques instants sur la cité fortifiée, et à la Tour de la Carreyre qui en demeurera son ultime évocation jusqu’en février 1960. Des photos de Bernède et d’Arnaudin témoignent de ce vestige appelé aussi « La Tour des Romains, la tour d’Arjuzanx-Landes, la Vieille Tour… » ou même la Tour Sarrazine. La cité se trouvait sur une éminence de la rive droite du Bez. L’ensemble fortifié était placé sur le « chemin de grande communication allant de Tartas à Villandraut », et constituait donc un lieu de contrôle, voire de péage. On retrouvera tout au long de la voie gallo-romaine des pièces de monnaies romaines indiquant que cette voie était un axe de circulation majeur. La Tour construite en garluche (elle était auparavant en bois), dite indestructible, sera abattue pour les besoins de la mine. Le moulin du Réau, autre vestige arjuzanais, sera détruit à cette occasion tout comme les fontaines « guérisseuses" Saint-Jean située à proximité du confluent du Bez et du Mouréou et celle des Cristallines. La paroisse toute entière allait vers ces sources en procession, notamment le jour de la fête patronale. La Tour faisait 5m de côté, s’élevait à 10m avec des murs épais d’1,5m. Elle comportait deux étages sur planchers avec carreaux de terre cuite et possédait une porte ainsi qu’une fenêtre au second. Contrairement à la légende, il n’y avait pas de souterrain reliant la Tour avec l’église avec une salle gardée par des chevaliers en armure, la nature du terrain ne permettant pas de réaliser un tel ouvrage. Cette Tour constituait aussi probablement la porte d’entrée et de défense de la cité royale ce qui permet d’imaginer à quoi pourrait ressembler la fortification. Jacques Chatard, féru d’histoire locale s’est prêté à cet exercice et nous livre un dessin original qui permet d’imaginer ce que fut la cité disparue.
Aujourd’hui, si vous souhaitez découvrir ce lieu, cela est impossible. Les machines de la mine ont réalisé une colline de terre réaménageant le paysage. On peut s’y approcher en prenant le chemin sous le pont ferrovière en face de l’hôtel d’Arjuzanx, dépasser les quelques habitations en direction de la rivière. Puis… plus rien !




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