ARNAUD DUPRAT : "LE LIEN A LA TERRE NE S'EXPLIQUE PAS, IL SE RESSENT..."
- La Nouvelle Morcenx
- 26 sept.
- 5 min de lecture

Rencontre avec Arnaud DUPRAT, sylviculteur morcenais
Quelles sont les activités sylvicoles que vous pratiquez ?
Mes activités sont essentiellement le débroussaillement et l’entretien des forêts, le reboisement, des travaux de pelle, du martelage, la sélection des arbres, et la gestion de propriété forestière. J’ai 14 clients, 2.500 hectares à gérer, et je me déplace dans un rayon de 100 kilomètres autour de Garrosse. L’activité occupe toute l’année en fonction des tâches.
Ces activités sont-elles ressemblantes à celles qu’exerçaient les anciens ?
Oui, mais avec plus de modernité. En effet, la mécanisation a simplifié le travail, et des outils informatiques sont apparus dans la pratique du métier avec des applications informatiques particulières et spécifiques à la sylviculture qui permettent notamment de mettre à jour en ligne les travaux réalisés sur les parcelles, avec aussi les plans de gestion enregistrés automatiquement. Avec Géoportail on peut télécharger le cadastre, et permet de se repérer sur les propriétés des clients, sans prendre le risque de se tromper dans la réalisation des travaux chez le voisin. Certaines de ces applications sont payantes, mais elles sont aujourd’hui indispensables pour une gestion personnalisée des forêts.
Est-ce que ce métier d’exploitation forestière a vocation à avoir des débouchés sur le Pays morcenais, et au delà ?
Oui, il y a des débouchés dans l’exploitation forestière et la sylviculture, et même au delà de notre massif forestier de la Haute-Lande. Ce métier est un métier passion qui se perpétue de familles en familles, et de générations en générations. Les grands propriétaires terriens possédant plusieurs centaines d’hectares de pins confient toujours aux mêmes familles d’exploitants sylviculteurs la gestion de leurs biens. Cette tradition du travail dans une lignée se perpétue encore comme cela aujourd’hui. En effet, la gestion des successions amène les petits-enfants à hériter de parcelles qu’ils ne connaissent pas forcément, et dont ils ignorent le lieu et la consistance. Par contre, le sylviculteur qui a l’habitude de travailler pour cette famille, lui, connait parfaitement la forêt en question dont il assure la gestion. Mais pour que ce travail soit rentable et nourrisse son homme, il faut effectivement vraiment insister et travailler dur.
L’activité forestière est-elle soumise à forte concurrence ? Si oui, par qui ?
Suite à la tempête Klaus de 2009 qui a ravagé la forêt landaise, les petites entreprises de sylviculture ont été obligées d’acheter, moderniser le matériel entre autres, et de se doter de pelles mécaniques pour accéder et travailler dans les parcelles de pins abattues. C’est ainsi, que les grosses entreprises / coopératives ont tiré leur épingle du jeu de ce marché en rachetant des pins âgés tombés au sol à bas prix. Les moyens techniques développés par ces grosses sociétés ont fait la différence avec les petites entreprises. A l’époque beaucoup de bûcherons venus de toute l’Europe ont aidé à débarrasser les propriétés des pins tombés ce qui a créer une forte concurrence parfois déloyale au vu des tarifs que certains appliqués.
Y a-t’il un avenir dans ce domaine pour des jeunes qui voudraient s’installer à leur compte ?
La recette du succès de la profession pour des jeunes sylviculteurs, c’est l’entretien forestier car c’est lui qui assurera la garantie du rendement des parcelles, et donc la rentabilité de la propriété.
Par ailleurs, cet entretien forestier est aussi la garantie de moins d’incendies et de moins de propagation d’animaux nuisibles.
Mais, on assiste aujourd’hui à des dérives avec des arbres abattus à l’âge de 30 à 35 ans en coupe rase, au lieu de 45 ans, soit trop jeunes. De ce fait, les fibres du bois ne sont pas assez denses, ce qui donne du bois de mauvaise qualité ou avec des défauts.
Compte tenu de nombreux départs de feux cet été, la forêt privée est-elle suffisamment bien entretenue d’après vous ?
L’entretien des propriétaires privés est variable en fonction de l’intérêt porté par ce ceux-ci au développement de leurs arbres. Un bon entretien (débroussaillement) revient à environ une 100€ l’hectare, et la première intervention s’effectue quand les pins ont entre 3 à 7 ans. Mais, cela dépend en fait des parcelles, si celles-ci sont pentues ou pas, et en fonction de leur humidité. En général, le rôle de l’entrepreneur forestier est de rentabiliser les circuits où il passe par une mutualisation de son action avec un autre propriétaire de manière à agir sur des parcelles de pins configurées d’un seul secteur.
La sensibilisation des jeunes au respect de la forêt est-elle suffisante ?
Non, la sensibilisation au respect de la forêt n’est pas suffisante. Le lien à la terre et à la forêt ne s’explique pas, mais se ressent. On l’a en soi ou pas. L’écologie est aujourd’hui un thème fourre-tout, très banalisé. Fort peu d’actions sont ciblées sur le thème de la forêt. Une politique de protection de la forêt est nécessaire dans les Landes compte tenu de l’ampleur de son massif.
Au-delà du «forum des métiers du bois» qui a eu un succès ponctuel à Morcenx, ces métiers du bois sont-ils suffisamment mis en valeur ?
En fait, ce sont surtout les grosses entreprises qui sont mises en valeur, ainsi que les acheteurs de bois et les firmes de transformation du bois, comme les gros industriels, mais pas les petites.
Dans ce métier là, il y a deux aspects à retenir : le volet exploitation du bois, sciage, papeterie et transformation du bois, mais aussi le volet sylviculture c’est-à-dire la plantation et l’entretien des peuplements la gestion le suivi des propriétés. Et c’est ce deuxième aspect qui fait défaut car très peu représenté, c’est pourtant très intéressant de voir naître et suivre l’évolution d’une forêt.
Beaucoup d’hectares sont défrichés pour être remplacés par des champs photovoltaïques, qu’en pensez-vous ?
En 2009, lors de la tempête Klaus, l’Etat a vraiment mis les moyens pour replanter la forêt. Pour donner un ordre de grandeur, sur un million d’hectares du massif aquitain (environ 950.000 pour être précis), c’est 258.000 hectares de pins qui ont été ravagés à plus 60 % dont 210.000 par la tempête Klaus, et 30.000 ha par la scolyte qui est un insecte xylophage (qui mange le bois).
Grâce aux subventions, notamment du FAEDER, la forêt a pu être replantée en totalité, Les propriétaires n’auraient pas pu repartir sans ces aides.
Cela a donc été un gros effort pour tous les landais amoureux de la forêt. Alors aujourd’hui, arracher des pins pour mettre à la place des panneaux photovoltaïques est un non sens, de mon point de vue. Pour cela, il y a des bâtiments publics et des parkings sur lesquels on peut poser ces panneaux, sans nuire à la biodiversité.
L’agroforesterie est-elle envisageable dans les Landes ?
Dans les Landes, le massif forestier ne permet pas ou peu, du moins en Haute-Lande l’introduction de l’agroforesterie qui consiste à introduire de l’agriculture parmi des arbres. La terre sablonneuse de par leur lessivabilité ont besoin d’irrigation, les apports nutritionnels sur celles-ci pourraient contrarier une bonne pousse des arbres comme dans un massif forestiers et ne permet pas par exemple le développement de cultures maraichères intenses. Et puis dans les Landes on a aussi le problème de l’irrigation à gérer. Par contre, sur des départements comme le Gers, des essais ont été réalisés, on attend les retours.




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