N°75 : DANS LES LANDES, LA CHASSE AUX ALOUETTES
- La Nouvelle Morcenx
- 21 sept.
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Depuis le 2 septembre 2025, par arrêté ministériel, il est désormais à nouveau possible de chasser à l’alouette dans quatre départements du Sud-Ouest, Gironde, Landes, Lot et Garonne et Pyrénées-Atlantiques, ravivant ainsi la polémique sur les chasses traditionnelles.
Tandis que « One Voice » et la LPO dénoncent une chasse barbare, les chasseurs des Landes et de Gascogne prônent une chasse sans fusil, sans tir, donc sans bruit, apaisée, et contrôlée par les agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB).
Un second texte précise également, par départements, le nombre d’oiseaux qu’il est possible de capturer pendant la période de migration. Le Conseil d’Etat avait par le passé considéré que ce mode de chasse contrevenait à la Directive Européenne Oiseaux de 2009, mais un travail a été fait récemment pour montrer la sélectivité de la pratique en cours d’expérimentation dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, ce qui a permis de lever les interdictions qui avaient été prononcées en 2024.
Mais, dans les faits, c’est quoi la chasse à l’alouette ?
Tout d’abord, pour respecter l’aspect règlementaire, il faut savoir que la superficie du terrain de chasse, qui a lieu à l’automne dans un champs qui a été récolté, est fixée à 200 m2. Le nombre maximal de prises d’alouettes est également limité, et le nombre de filets qui est autorisé est de trois paires de pantes par chasse au maximum. Les pantes sont des filets horizontaux tendus par des gros ressorts qui sont déclenchés par le chasseur qui est caché dans une cabane construite en brande. Mais, il va de soi que pour déclencher les pantes, il faut d’abord faire poser au sol le vol d’alouettes. Pour cela, le chasseur dispose d’appelants qui sont des oiseaux déjà capturés ou, s’il est doué, Il peut imiter le chant de l'alouette pour intéresser le vol qui passe, puis, pour le faire poser, faire lever un appeau (semet en gascon) sur une hauteur d'environ 50cm, de sorte qu'il batte des ailes, et ainsi attire ses congénères. Un carnet officiel de prélèvement personnel est tenu à jour à la cabane pour un contrôle par les gardes de chasse, avec le nom de quatre chasseurs autorisés et le nombre de prises.
Les meilleurs siffleurs (chioulayres en gascon) sont réputés ; un championnat du monde des chioulayres se déroulait encore en 2007 en septembre, pendant les fêtes de Vieux-Boucau, devant un public de connaisseurs mais aussi d'estivants curieux. Chaque participant devait se soumettre à 3 épreuves, deux imposées et une libre. Chaque candidat exécutait le "piou", un son long un peu plaintif qu'on n'entend pas durant le passage, et la "trille", cri que lance l'alouette lors de son vol de migration, avant de se lancer dans l'interprétation du "libre" qui reproduit le chant plus ou moins complet de l’alouette.
En effet, l’alouette des champs est réputée pour avoir un chant très mélodieux. Il se compose de trilles, de gazouillis et de notes sifflées. On dit aussi que l’alouette grisolle, tirelire, ou turlutte parfois pendant plus d'une heure, et comme celui du rossignol, ce chant fascine les humains.
Les chasseurs, qui sont de moins en moins nombreux sur ce type de chasse, prélèvent environ 1% des oiseaux qui migrent dans le département. Donc on peut clairement dire que l’impact de cette chasse est négligeable par rapport à d’autres. Mais, il faut aussi tenir compte du fait que cette espèce d’oiseau a une durée de vie relativement courte. Lors du départ des migrations vers la Scandinavie et le centre de l’Europe, les alouettes sont soumises à des pertes importantes à cause du froid, des maladies, des difficultés d’alimentation durant l’hiver, mais aussi des distances parcourues qui sont en moyenne de 2000 km, voire plus.
Elles aiment pourtant particulièrement revenir dans le Sud-ouest où elles peuvent se nourrir facilement dans les immenses champs de maïs, après que celui-ci ait été récolté. Elles y trouvent facilement des insectes et des larves, des vers de terre et des graines et des semences diverses.
Toutefois, les chasseurs, postés dans leur cabane doivent s’armer de patience et de ruse pour déjà discerner dans le ciel leur vol, le siffler, et réussir à le faire poser, avant de pouvoir déclencher les pantes sur les petits oiseaux. Il est quand même rare de faire de grosses prises car les alouettes sont promptes à décoller.
Quand le produit de la chasse du jour revient à la maison, il convient de plumer et de vider les alouettes, ce qui est un travail très délicat compte tenu de la petitesse de l’oiseau et de sa chair fragile. Mais les alouettes sont un mets qui ne se refuse pas, de même que les ortolans ! Elles se mangent rôties sur des piques, bardées de jambon de pays, comme des brochettes, cuites au feu de bois à la cheminée.
Ce mode de chasse dites « aux pantes » fait parti des chasses traditionnelles landaises dont personne n’a envie de voir la fin, c’est sûr, car il participe de nos us et coutumes, d’un mode de vie rural, et d’un enseignement oral que nous prodiguait nos parents et grands-parents. Durant longtemps, au 18ème et 19ème siècle, dans les campagnes landaises, la pauvreté sévissait, et la chasse était parmi tant d’autres, une pratique qui permettait de manger régulièrement. Dans tous les foyers, il y avait des frondes, des lances pierres ou des matoles pour les enfants, des fusils pour les adolescents et les adultes, et tout un attirail qui permettait le piégeage de différents animaux sauvages.
Ainsi dans les faits, pour tout bon landais qui se respecte la chasse fait partie de son patrimoine culturel, c’est encré dans sa tête, et cela participe de ses origines.




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