N°38 : L'ÉGLISE D'ARJUZANX EN SURSIS
- La Nouvelle Morcenx
- 22 déc. 2024
- 4 min de lecture

Alors que le village d’Arjuzanx est considéré aujourd’hui comme « the place to be » et qu’on lui accorde toute l’attention digne d’un haut lieu touristique qu’il n’est pas, nous souhaitons revenir sur l’histoire de cette place forte et l’un de ses derniers vestiges, à savoir son église, témoin d’un riche passé historique.
En effet, le patrimoine arjuzanais a été sacrifié pour des enjeux économiques majeurs. Il est primordial que « les restes » soient considérés à leur juste valeur, et que le patrimoine devienne une priorité des investissements publics à venir. Au-delà de l’intérêt touristique, on touche à l’identité des arjuzanais et à leur histoire.
Nous avons déjà évoqué dans cette rubrique le calvaire de pierre en forme de croix que l’on peut admirer à l’extérieur de l’église, entre deux contreforts de l’abside.
Le monument de style roman, construit fin 12ième, début 13ième siècle est en garluche et en blocs d’alios. A l’origine, il s’agit d’une seule nef de 86m de long, 17m de haut et 12m de large. Seize contreforts en grés d’une épaisseur d’1,2m ont été ajoutés. Nous pouvons aussi voir des traces de créneaux ainsi que des meurtrières. Il s’agissait donc en toute vraisemblance aussi d’une forteresse. Un porche assure le prolongement de la nef sous la forme d’une tour carrée fortifiée avec trois entrées, dont une porte aujourd’hui murée, et 6 gros contreforts. Sur la façade nous apercevons des vestiges suggérant la présence d’une ancienne bretèche (ouvrage défensif). Le portail en arc brisé à l’entrée du porche est composé de colonnettes qui devaient supporter des statuettes (art gothique). Au-dessus, une sculpture de pélican accueille le visiteur. Dans le clocher triangulaire en pierre de taille avec une croix au sommet est logée une seule cloche datant de 1858 (dans la seconde niche une cloche fut volée pendant la Révolution).
Il nous semble important de vous faire pénétrer désormais dans cet édifice en s’appuyant sur les écrits de Jean-Charles Coumailleau.
L’église possède une nef unique couverte d’une charpente et d’un lambris. L’architecte diocésain en 1856 indique que le monument n’a jamais été achevé. L’abside était éclairée par trois petites fenêtres (ouvertures romanes), obturées par la suite. C’est en 1858, sur ordre de l’évêque en visite pastorale que 7 fenêtres ornées de vitraux sont construites dans les solides murs. Trois vitraux sont remarquables : Saint-Jean Baptiste, le patron de la paroisse, la Sainte Vierge et Saint Michel. Des travaux sont entrepris pour réaliser une belle voute ogivale en briques. Nous ajoutons deux chapelles recevant un autel consacré à la Sainte Vierge, l’autre à Saint Joseph… l’église prend la forme d’une croix latine. La toiture est refaite tout comme le carrelage de la nef tandis que le sol du porche est remanié. Les contreforts et les murs sont enduits au mortier, et nous ajoutons un escalier pour accéder au clocher.
Le choeur est formé par une soute ogivale construite en briques et supportant une toiture de chevrons. Le fond du choeur est circulaire. A gauche du choeur, un chapiteau est composé de 7 personnages qui pourraient évoquer les sept péchés capitaux. A droite, le chapiteau présente 3 personnages dont un pourrait représenter Saint Jean. Une fontaine au bord du Bès lui était consacrée.
La chaire en bois sculptée datant du 18ième siècle est classée depuis 1933 (monument historique) pour ses deux panneaux représentant l’Assomption et Saint Jean Baptiste.
Le Christ en croix mérite votre attention. Oeuvre d’un sculpteur talentueux du 17ième siècle, les historiens soulignent l’aspect artistique : « Les mains crispées, le corps qui pend à l’état d’abandon, les bras et les poignets, même les tendons, se dessinent. Nous admirerons de même le modelé des côtes, le torse, l’anatomie des jambes et des cuisses : tout est presque parfait comme étude… ».
En 1792, le curé d’Arjuzanx prend l’initiative de cacher le Christ dans la terre pour le soustraire aux révolutionnaires. Il sera gravement abîmé puis restauré en 1858 par le sculpteur Larrieu. Ce Christ en croix avait semble-t-il la vertu de guérir les croûtes de lait des enfants (maladie très courante due à une mauvaise alimentation). De temps immémorial selon la tradition, les mères frottaient les parties malades avec un linge que l’on avait fait toucher au Christ, puis allaient ensuite laver les maux à la fontaine dite des Cristallines, située dans la prairie en contrebas de l’église.
Autre curiosité de l’église : la présence d’une grande peinture marouflée murale du 17ième siècle représentant la « Descente de Croix par Saint Jean Baptiste » d’après Rubens. Elle aurait été installée en 1905 par le curé d’Arjuzanx après avoir séjourné dans les combles de l’église. Elle proviendrait ainsi d’un grand retable peut-être détruit selon la tradition par le feu sur la place publique par les révolutionnaires.
L’église abrite également un Maître-Autel de style roman en marbre et bois polychrome (1865) ainsi qu’un très beau chemin de Croix.
Les objets constitutifs du mobilier d’art sont inscrits à l’inventaire des Monuments historiques depuis 1989 : un tabernacle en bois sculpté, doré et peint du 18ième siècle, des chandeliers de la même période, un bénitier en pierre sculptée et des anges adorateurs retrouvés dans les combles de l’église.
Aujourd’hui, l’église est en très mauvais état. Il a fallu installer des renforts à l’intérieur, et en limiter l’accès à de rares occasions. L’association des amis du Brassenx s’inquiète de cette situation depuis de nombreuses années. Au fil des ans, les autorités font quelques travaux dans l’urgence, quand l’édifice aurait besoin en fait d’imposants travaux de rénovation.




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