N°29 : LES TRIBULATIONS DU CHATEAU DELVAILLE
- La Nouvelle Morcenx
- 20 oct. 2024
- 3 min de lecture

Retour au temps prospère de la jeune Morcenx, carrefour vital pour le développement du commerce, de l’industrie du bois et même du tourisme. Avec une gare de première importance, les Frères Pereire font l’acquisition de nombreux terrains et, sous couvert de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, établissent les plans d’une ville moderne.
Ce développement démographique et économique nécessite de loger les ouvriers, de construire des équipements techniques, une voirie… On voit alors apparaître notamment l’hôtel des Ambassadeurs, l’Hôtel des voyageurs, un buffet de la gare… « Pour alimenter ce boom économique (ndlr : nous raconte Jean-Charles Coumailleau dans un article fort bien documenté) l’argent circulait à flot, et très vite les banquiers s’installèrent à proximité de la toute nouvelle gare. Le premier de la lignée fut Josué, Hippolyte Delvaille, issu d’une famille de juifs portugais…(ndlr : branche installée à Bordeaux, une autre étant à Bayonne). Josué était banquier. Il était marié à Esther, Coralie Dacosta. D’abord installé face à la gare, dans un bel immeuble qui abrita ensuite le magasin de Nouveautés (tissus, confection) d’Hector Latrie, puis l’hôtel Darroze. Josué Delvaille, devenu notable à Morcenx-gare fit construire en 1860 le château et la banque à son nom, sur l’avenue passante de Solférino.
C’était une bâtisse très élégante dotée d’un puits de jour, à la couverture d’ardoises. Elle était agrémentée de fenêtres à la Mansard en façade, de deux petites tourelles aux angles sud et d’un remarquable escalier d’accès extérieur. L’ensemble était clos par des grilles et portails en ferronnerie très travaillée. Les bureaux de la banque étaient situés dans un bâtiment adjacent de même style. Il y avait également les logements des serviteurs et des écuries ». Le château connaîtra des métamorphoses architecturales dans les années 40 avec la transformation de la toiture abîmée.
Josué a quatre enfants dont les trois garçons travailleront pour la banque à Morcenx et Bordeaux. La fille Sarah est marié à Eugène, un commis banquier. Ce dernier se rend célèbre. Jean-Charles Camailleur raconte : « on dit que cet Eugène était un fanatique de courses de chevaux et il possèdera une écurie renommée. Il organisait des courses sur un champ aménagé à l’ouest de Morcenx au lieu dit « l’Hippodrome » fréquenté par la grande bourgeoisie d’Onesse. La tradition orale dit même que des paris importants auraient provoqué des faillites. On parle également de grandes fêtes données au château Delvaille recevant d’importants personnages (politiques, artistes, industriels) venant à Morcenx par le train ».
La famille Delvaille, apparentée aux Pereire, Séba et Da Costa possède un rôle déterminant dans le développement de la cité. Dans cette famille, on reste banquier de père en fils…On retiendra particulièrement le nom de Fernand Delvaille, fils de Josué qui, après des études à Bordeaux rejoint son père comme escompteur à la banque avant de lui succéder. Il sera élu conseiller municipal, en charge du « ravitaillement de la population civile » pendant la crise du pain en 1917, responsable de l’édification du monument aux morts en 1921.
La banque cessera ses activités dans les années 30 avec la crise des résiniers et le château vendu en 1936 à un marchand de vin de Rion. L’antenne de Bordeaux est fermée définitivement pendant la guerre 39/45. En 1942, une partie de la famille se réfugie dans le Gers tandis qu’une autre partie est déportée à Auschwitz. Du côté de Morcenx, les enfants de Fernand émigrent vers Bayonne et Biarritz. Pendant la guerre, le château abrite une blanchisserie et les Allemands y résident.
Le nom Delvaille est également associé à d’autres destinées remarquables : le peintre Henri Caro-Delvaille (1876-1928), le poète et essayiste Bernard Delvaille (1931-2006), le docteur Camille Delvaille, franc-maçon, inventeur des colonies de vacances à qui l’on doit aussi un article élogieux sur les Ecoles de la Compagnie du Midi à Morcenx en 1874.
Aujourd’hui, même si le bâtiment que l’on peut apercevoir a perdu de sa splendeur, à l’aune de son histoire, on ne peut que souhaiter la préservation de ce patrimoine local.




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