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N°1 : L'ETONNANTE HISTOIRE DU BUFFET DE LA GARE

Dernière mise à jour : 17 sept. 2024



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Jean-Pierre Mabille nous raconte l’histoire du buffet de gare de Morcenx. Un texte publié dans le « Bulletin de la Société de Borda » n°544 en 2021.

Le 19 septembre 1854, l’impératrice Eugénie inaugure la voie ferrée reliant Dax à Bordeaux Ségur. Le trajet s’est bien passé, mais l’Impératrice n’a pas remarqué la gare de Morcenx en cours de construction…

En 1858, Emile Péreire, fondateur de la Compagnie du Midi et président du Conseil d’administration de 1852 à 1875, décide de faire construire un buffet de gare pour satisfaire le flot de voyageurs en transit à Morcenx-Midi devenu point d’éclatement vers MOnt-de-Marsan et au-delà. Le choix du buffeter est vite trouvé : M.Isaac Séba, un proche, majordome de la famille Péreire à Bordeaux.

Emile Péreire a une telle confiance en lui qu’il lui laisse carte blanche pour diriger ce buffet. M.Séba participera aux aménagements intérieurs car il souhaite que son restaurant ferroviaire soit un modèle national et il le sera. Isaac a 40 ans lorsqu’il prend la direction du buffet. Dès les premiers jours, il imprime sa marque d’organisateur : il fait poser un ascenseur équilibré à double conduit entre la salle et la cuisine, un pour les plats, l’autre pour passer les commandes et monter l’eau chaude. Il fait installer plusieurs fontaines pour se laver les mains. Il y en a deux devant l’entrée du pignon principal. Il est très méticuleux en ce qui concerne l’hygiène. Le personnel a été trié sur le volet aussi bien pour le service qu’en cuisine où les règles de propreté règnent partout : nettoyage des installations, lavage du sol, ventilation des pièces, car les cuisines sont en sous-sol. Mais des problèmes demeurent concernant la conservation des aliments elle froid qui arrive des portes ouvertes sur le quai.

En 1862, Isaac Séba achète une machine à faire de la glace de marque Carré. Comme son fonctionnement ne correspond pas à ses désirs, il achète une autre machine de marque Penan qui lui donne toute satisfaction. Il fait installer une chambre froide qu’il garnit tous les jours de mains de glace, une innovation pour Morcenx à cette époque et même dans une grande partie de la France. Les voyageurs peuvent accrocher leurs manteaux, poser leurs valises avant d’entrer dans l’immense salle de 180m2. Mais les deux derniers hivers viennent de se passer avec un froid vigoureux; le buffeter décide alors d’installer un calorifère à eau dans le sous-sol en remplacement de la cheminée.

Alors que l’électricité n’existe pas encore, c’est l’un des premiers systèmes de chauffage central…

M.Séba est un maître en communication. Il y a toujours une table réservée pour les journalistes et un cigare offert par la maison. Au bout du comptoir trône une vitrine de cigares qu’il fait venir de Cuba. Son travail en s’arrête pas là. Ici, le terrain ne manque pas. Dès son arrivée, il organise un vaste potager ainsi qu’un verger pour faire travailler sa cuisine avec des produits locaux. Entre ses deux porcheries, ses agneaux du Brassenx, M.Séba vient de collaborer avec la municipalité à la construction d’un abattoir.

D’abord réticents, les Morcenais ont compris et ils font bloc derrière lui car depuis l’ouverture du buffet, les fournisseurs accourent de partout : canetons de Contis, canards et boeufs de Chalosse, agneaux du Brassenx ou de Taller, vins de Geaune, de Lévignacq, enfin la liste serait trop longue. Mais ça marche - on fait la queue pour manger au buffet- si bien qu’Isaac Séba est obligé de refuser les étrangers (non voyageurs). Qu’à cela ne tienne, les locaux achètent des tickets de quai pour entrer par le hall.

Même la Reine Consort d’Espagne (Maria Vittoria) a souhaité prendre un repas (avec toute sa suite) au buffet de Morcenx. « Une réception royale lui sera réservée » (La Liberté du 2.9.1876). La renommée est faite -Isaac Séba engrange- son travail est reconnu de tous, mais il n’oublie pas d’où il vient et sa générosité est sans limites.

La guerre désastreuse de 1870 le surprend, traumatisé il ne restera pas insensible en aidant financièrement les blessés, les orphelins. De buffeter, il est devenu régisseur et quel régisseur puisque maintenant, il se déplace en train, entre le Casino de Biarritz et le buffet de Morcenx.

Il a su convaincre les marchands de résine de se développer en augmentant leur production. Depuis 1873, des ateliers de distillation sont capables de livrer de grandes quantités de produits résineux créant des petits marchés à Morcenx, Ygos, Saint-Julien. Morcenx rayonne sur la grande ligne impériale qui a fait son succès, car dix ans plus tard ce sont plus de 300 maisons qui se sont construites près de la station. Les courtiers étrangers arrivent de partout, ils circulent grâce au train, mangent au buffet, rencontrent les patrons distillateurs, achètent toutes les productions et même anticipent…

En 1884, le buffet comptait jusqu’à 24 employés.

Jean-Pierre Mabille ajoute : Le contrat n'a pas été renouvelé en 1976 avec la SNCF, le buffet de la gare a fermé ses portes par manque de clients, de voyageurs, de pèlerins, en attente en gare de Morcenx. C'est une tranche d'histoire locale, un patrimoine que l'on n'a pas su conserver.

Après de nombreuses tentatives par la municipalité de récupérer le bâtiment, aucune convention n’a été signée avec le propriétaire. Des travaux de réhabilitation du buffet vont commencer prochainement à l’initiative de la SNCF qui vient de lancer un appel d’offre pour des travaux.

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